Salut,
Bienvenue dans ma
cuisine. La cuisine de ma fiction et de mon subconscient. "Chuis
heureuse" fait partie d'un projet de plus grand envergure qui s'intitulait
au départ "Fuck you, Bob". Un cri qui a résonné dans ma tête un matin
de mars 2011 dans l'autobus 45 sur Papineau en entendant la chanson "No
woman, No cry" de Bob Marley. La veille, j'avais vu aux nouvelles la vidéo
d'une femme au Soudan qui se faisait fouetter sur la place publique pour avoir
porté des pantalons. Ce matin-là, cette chanson-là ne pouvait plus porter son
message d'espoir en mon être. J'ai voulu gueuler, "Fuck you, Bob",
j'ai juste envie de brailler sti! Pu capable de toutte! Du riz en bourse, des
mines au Congo, des guerres, des enfants soldats, du 2 mai qui approchait à grands
pas avec la majorité Harper en perspective, la réouverture des dossiers
avortement et mariage gai, mes hormones, mon héritage ADN, le guide alimentaire
canadien, la mafia, le printemps arabe, les coupures en art, en programmes
sociaux... coupable de rien, complice de toutte... Coudonc, qu'essé qui
m'appartient à moi? Je sais même pas vraiment d'où je viens! J'ai tu du sang
amérindien ou ben si j'en ai pas? Comment ça se fait que je connais pas tous
les rituels, les plantes, les cycles lunaires, solaires, stellaires? Les feux
de paille, de foin, de sapin? Les empreintes, les cours d'eau, les animaux,
leurs habitudes et leur langage? Je devrais tu défendre ça le français, moi, ou
si je devrais apprendre l'innu?
Vous voyez le
mélange! Manipulée de l'intérieur comme de l'extérieur. Je me suis dis, tiens,
profites-en donc pour pousser ta réflexion, transpose donc ça dans ta pratique
artistique. Pratique qui était déjà portée par la surinformation et le corps
bougé, mu par un invisible. Bon, pratique encore embryonnaire, encore un peu
gênée, mais sur le chemin.
Fak! La madame a
pris tout son courage pour écrire à une vingtaine d'artistes de différents
milieux: "heille, je te connais bien, tu me connais un peu, beaucoup ou
pas pantoute, mais moi, j'aime ton travail, pis j'aimerais ça travailler avec
toi. Pas envie d'attendre que tu m'appelles, j'ai envie qu'on crie tous par une
même bouche!"
Au pire, personne
aurait répondu, au mieux, j'avais 10 oui, 8 non, 2 abstentions!Et le mieux est
arrivé et me vlà dans de beaux chaudrons! Donc. J'ai décidé de travailler
individuellement avec chacun de ces artistes que j'appelle mes tortionnaires
pour qu'ils me manipulent dans un solo de 8 minutes chacun. Le tout basé sur un
livre: "J'arrive" de Guillaume Van Roberge paru aux Éditions Rodrigol
en 2005.
Pourquoi ce
recueil? Parce qu'il est noir et plein d'humour, oui, mais surtout parce que le
Je narrateur de tous les récits est si misérable qu'il n'existe qu'aux yeux de
bourreaux.
La relation
victime/bourreau est devenue centrale à tout le projet avec la solitude en
trame de fond et de forme.
"Chuis
heureuse" est donc le premier de la série de 10 qui sera présentée au
Théâtre Aux Écuries en première partie de la programmation 2012-2013, en plus
de sa rétrospective.
"Chuis
heureuse" dure 30 minutes parce qu'à l'époque où nous l'avons monté, nous
ne savions pas s'il y aurait preneur pour l'ensemble du projet, ni s'il y
aurait l'argent (qu'il n'y a pas encore d'ailleurs!)
Je dis
"nous", c'est Peter James et moi. Mon premier tortionnaire. Mon
premier botteur de cul! Celui qui ne m'a pas laisser procrastiner, me cacher,
m'encrasser. Le temps est à
l'action!
Un grand merci à
Philippe Ducros pour m'avoir offert de choisir un de ses textes, faute de temps
pour se prêter à l'exercice de manipulateur de ma personne. Je vous l'offre ici
transcrit dans sa version originale et sa traduction française. Pour moi, il
reflète exactement l'horrible réalité face à laquelle je me sens complètement
impuissante et pourtant coupable. I am you
En espérant que
vous aurez envie de venir voir les suites...
Merci d'être là,
Catherine
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